Accueil Culture Commémoration du 1er anniversaire du décès du grand sociologue Abdelwahab Bouhdiba: Un grand penseur, un fleuve intarissable…

Commémoration du 1er anniversaire du décès du grand sociologue Abdelwahab Bouhdiba: Un grand penseur, un fleuve intarissable…

En présence d’illustres intellectuels et hommes de culture tunisiens, dont le professeur Mohamed Mahjoub, le poète Abderrahman Kablouti et l’ancien directeur général de l’édition de Beit Al Hekma, Khaled Ben Youssef, ont été passés en revue les grandes réalisations et moments forts du périple de ce grand penseur et infatigable chercheur.

«Voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant», a souvent dit et répété le penseur et grand sociologue Abdelwahab Bouhdiba, qui nous a quittés il y a déjà un an.

S’inscrivant dans cette optique, l’Association des amateurs du livre et de la lecture de Kairouan a récemment tenu une rencontre  à la maison de la culture de la ville, pour célébrer le premier anniversaire du décès de ce Tunisien d’exception.

En présence d’illustres intellectuels et hommes de culture tunisiens, dont le professeur Mohamed Mahjoub, le poète Abderrahman Kablouti et l’ancien directeur général de l’édition de Beit Al Hekma, Khaled Ben Youssef, ont été passés en revue les grandes réalisations et moments forts du périple de ce grand penseur et infatigable chercheur.

Ouvrant le débat, le poète Abderrahman Kablouti a récité un poème intitulé «A la mémoire de Feu Abdelwahab Bouhdiba». Un texte fort émouvant où le poète revient sur le parcours initiatique, les qualités morales et intellectuelles d’un penseur dont l’historien Hichem Djait a affirmé que «sa mort est une grande perte pour le pays».

Revenant sur la biographie du penseur, l’universitaire Mahjoub a rappelé que l’homme est agrégé de philosophie de l’université française (1956) et docteur d’Etat es lettres et sciences humaines (1972). L’auteur de «la sexualité en Islam» a ensuite enseigné à l’Université de Tunis (chaire de sociologie islamique et maghrébine) et dans d’autres universités (Québec, Montréal, Bruxelles, Liège, Louvain, Abidjan…).

Il a également dirigé le Ceres Tunis de 1972-1992. Tout autant qu’il a occupé les postes de Directeur général adjoint de l’Alecso, membre du conseil exécutif de l’Unesco, membre de l’Académie arabe du Caire, et membre de l’Académie arabe de Damas. Il a aussi été vice-président de l’académie européenne des sciences des lettres et des arts.

Entre 1995 et 2011, l’illustre  sociologue a présidé l’Académie tunisienne de science, des lettres et des arts «Beit al Hekma».

Lauréat du  Prix international de la culture arabe Unesco 2004, il a publié une vingtaine d’ouvrages et contribué à une centaine d’études, articles et recherches.

L’homme est une synthèse sans fin…

Abordant le vécu du penseur, Mahjoub a fait remarquer que Bouhdiba a consacré toute sa vie à l’acquisition du savoir et à la recherche, sans jamais se mêler directement de la chose politique. Le penseur s’est plutôt contenté, selon le même témoin, de son rôle de conseiller très écouté par les décideurs politiques de son temps.

Remontant à sa prime enfance vécue à quelques mètres de la Grande Mosquée Okba Ibn Nafaâ, l’ancien directeur général du Centre national de traduction a fait observer que le cadre spatio-temporel ( la médina de Kairouan du temps de l’établissement du protectorat français) accueillant les premiers pas du penseur Bouhdiba a profondément marqué son parcours et ses choix de vie. De ce point de vue, il a laissé entendre que le sociologue et agrégé de philosophie a de tout temps plaidé pour un islam modéré privilégiant souplesse et ouverture sur l’autre.

«Les recherches de Bouhdiba ayant trait aux religions et à d’autres domaines de la vie des hommes sont à la fois d’une rigueur irréprochable et d’une richesse qui incite au rêve et débride les fantasmes. S’agissant de la religion musulmane, le paradis et l’enfer sont dévoilés par touches successives qui voilent en révélant et révèlent en voilant», a précisé l’universitaire Mahjoub.

Les grandes passions élèvent l’âme aux grandes choses…

Insistant sur le fait qu’«il n’y a que les grandes passions qui puissent élever l’âme aux grandes choses», l’ancien directeur général de l’édition de Beit Al Hekma et bras droit de Bouhdiba, Khaled Ben Youssef, s’est félicité de ses quinze années passées aux côtés d’un homme au savoir encyclopédique.

«Le travail avec ce grand penseur était tellement passionnant qu’il m’arrivait souvent de passer des nuits blanches dans l’imprimerie. J’oubliais souvent jours fériés,  fêtes nationales et mes congés», se souvient non sans nostalgie et fierté le même témoin.

S’attardant sur quelques anecdotes vécues avec le penseur, Ben Yousef a fait savoir que l’auteur de l’«Islam ouverture et dépassement» était un homme d’une grande humilité, aimable, serviable et humaniste comme son temps n’en avait pas, mais il était également un homme de principe qui disait non quand il le fallait.

«Avec M.Bouhdiba, il n’y avait de place ni au favoritisme ni au népotisme, la barre était constamment placée très haut, s’agissant de recherche, d’édition et de création culturelle et artistique», notait Ben Youssef.

Ce pays qui ignore sa sève, ses grands penseurs…

Le penseur Bouhdiba était très conscient de la portée du dicton qu’il répétait souvent : «voyageur  il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant». Pourtant, nos gouvernants, qui n’auraient pas lu nos sociologues et illustres penseurs, continuent leur théâtre d’ombres où politique-spectacle et information-spectacle poursuivent leur absurde duo. C’est que le délégué régional à la culture de Kairouan s’est contenté d’un simple coup de fil au fils aîné du penseur, Saber Bouhdiba, une manière de «mener Totoche à Medrano» ou encore de « jeter de la poudre aux yeux».

Le ministère de la Culture, que nenni ! Il se serait investi comme il se doit, s’il était question d’une coquille vide, d’un vrai fanfaron, d’un professionnel de cornemuse, d’un chroniqueur parlant pour ne rien dire, d’un journaleux qui pond des écriteaux et j’en passe…

L’auteur de la «Sexualité en Islam», «l’Islam ouverture et dépassement», «Criminalité et changements sociaux en Tunisie» et de «L’imaginaire maghrébin, étude de dix contes pour enfants» entre autres a brillamment réussi à tracer son propre chemin. Père de la sociologie en Tunisie, il a formé des générations et son legs est d’une richesse inestimable. Premier arabe agrégé de philosophie de la Sorbonne, il a appris à ses disciples et lecteurs à voir et à comprendre le monde qui les entoure.

La commémoration du  premier anniversaire de son décès s’est passée en demi-teinte sur le plan officiel, mais comme il se doit du côté de ceux qui savent honorer la mémoire de Tunisiens d’exception, de la trempe de Bouhdiba.

Ce grand penseur mérite, au demeurant, certainement de bien meilleurs hommages : un événement national portant son nom : «Journées Abdelwahab Bouhdiba pour la sociologie et la philosophie». Qui veut, peut, bien entendu.

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